"Border Line" : émigrer ou craquer, le huis clos d'un couple sur la brèche

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C'est un couple dans une voiture qui se met en route pour l'aéroport de Barcelone, direction New York pour plier définitivement bagage et s'installer outre-Atlantique. Lui est vénézuélien, elle est espagnole. Dans le taxi, l'autoradio pose le contexte, à l'ère d'une Amérique trumpiste, qui s'acharne sur la question de la construction d'un mur à la frontière mexicaine.

Arrivé aux États-Unis, le couple pose un premier pied à la douane où, après examen des passeports, un contrôle supplémentaire semble requis. Quelque chose cloche. Enjoints à patienter dans un endroit plus confidentiel, en rade d'informations, ils commencent à cogiter. Et nous avec. 

Un huis clos sous tension

Border Line, premier film des vénézuéliens Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez, s'enferme ainsi très vite intégralement entre quatre murs, dans un petit bureau qui fait office de coulisse de l'immigration. Se met en place un jeu de dupes, d'influences et de manipulation, où s'exerce un pouvoir qui fait grimper le malaise et la paranoïa, notamment via une agente implacable, jouée par Laura Gómez (Orange is the New Black), et dont les origines sud-américaines viennent se mêler à la nature des interrogatoires. 

Le huis clos se révèle par moment haletant, s'ouvrant par bribes avec une grande simplicité, se concentrant sur l’essentiel : sa mise en tension et l'ambiguïté qui se module selon ce qui reste tapi dans l'ombre ou se dévoile, ce qui résiste et ce qui lâche. Naissance d'un suspense où se déploient les incertitudes, où le couple, de plus en plus vulnérable, vacille à mesure que les pressions s'intensifient.

Il se dessine alors le portrait de deux amants que l'on apprend à connaître uniquement par le biais des entrevues, où la parole privée est abolie. Tout un ballet bureaucratique et d'emprise se met en place dans un théâtre à l'éclairage net, tel un tribunal, où tout est froidement analysé. L'intimité, progressivement et cliniquement mise à mal, y devient alors le dernier rempart possible. La dernière frontière. 

Border Line d'Alejandro Rojas et Juan Sebastián Vásquez. AEn salles le 1er mai 2024.

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