“El buen patrón” de Fernando León de Aranoa : mauvais patron, excellent Bardem

C’est le troisième film que tourne Javier Bardem sous la direction de Fernando León de Aranoa (Les lundis au soleil, pas mal, et Escobar, pas terrible). El buen patrón arrive en France auréolé cette année de six Goyas (les César espagnols), dont celui du meilleur acteur pour Javier Bardem (cinquième trophée qui le place en tête de ses récipiendaires). Qu’en est-il donc ? El buen patrón est une très bonne comédie sociale (pas toujours légère mais très drôle et bien écrite) et Javier Bardem, le grand acteur que nous connaissions déjà. On le retrouve ici dans le rôle d’un patron paternaliste et faussement sympathique, qui se mêle surtout de la vie de ses employé·es pour les diriger et les mettre dans les conditions optimales pour se montrer de bon·nes employé·es. Dès la première scène, le spectateur comprend que ce petit patron d’une vieille entreprise familiale de fabrication de balances (jolie idée, métaphore de la justice et surtout de l’injustice sociale) est un menteur, un manipulateur patenté sans scrupules et cynique, un mari infidèle qui aime beaucoup les jeunes stagiaires – jusqu’au jour où il va, sans le savoir, coucher avec la fille de son meilleure amie, ce qui va compliquer un peu son existence. Sans illusion, le scénario du film déconstruit le discours patronal contemporain, souvent par l’intermédiaire des épouses, qui sont les seules à rappeler à leurs maris chefs d’entreprise qu’ils ne sont que des héritiers et non des aventuriers de l’entreprenariat, comme ils aiment se le raconter, et que le seul risque qu’ils ont pris dans leur vie a consisté à se rendre chez le notaire pour accepter l’héritage de leur père… Le film grouille ainsi de vacheries bien senties, d’histoires croustillantes mais aussi très cruelles pour les salarié·es. On n’appréciera surtout à sa juste valeur la prestation de Bardem, qui à l’image des grands acteurs italiens des années 1960 (Gassmann, Mastroianni, Tognazzi), n’hésite pas à s’enlaidir, à la fois moralement et physiquement, pour le seul plaisir, enfantin, guignolesque, de faire rire. El buen patrón de Fernando León de Aranoa, avec Javier Bardem, Manolo Solo, Almudena Amor. En salles le 29 juin 2022.

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