"Le Jeu de la reine" : "Game of Thrones" en moins bien

Après son beau mélodrame sororal, La Vie invisible d’Eurídice Gusmão, grand prix Un Certain Regard en 2019, Karim Aïnouz concourrait, l'an passé, pour la prestigieuse Palme d'or avec Le Jeu de la reine, blockbuster chic au casting de stars : Alicia Vikander et Jude Law, respectivement dans la peau de Catherine Parr et de son sanglant époux, Henry VIII.

Toujours travaillé par la question du féminin et de son emprisonnement, le cinéaste commence son film par une série de trompe-l'œil : d'abord un carton introductif promettant une revisite de cette histoire si commune de domination masculine, ensuite une ouverture idyllique où l'on découvre Catherine Parr, seule, et régnant sur un royaume à l'harmonie enchanteresse.

Jeu de massacre

Le simulacre est bientôt rompu par le retour au foyer du roi, à qui Jude Law, visiblement galvanisé par la torsion faite à sa beauté que lui permet ce rôle de grand méchant, donne une dimension bouffonne. De revisite ou de relecture du mythe de Barbe Bleue, il n'y en aura guère dans ce Jeu de la reine, au contraire englué dans toutes sortes de poncifs éculés, de son personnage de tortionnaire à ce type de récit carcéral dont Game of Thrones ou Les Tudors ont fourni, avant lui, leur lot d'atrocités dans le registre de la masculinité toxique.

Le film, à l'instar de sa captive, se subit plus qu'il ne se vit, et la gangrène qui ronge la jambe de l'ogre a valeur de lourd programme métaphorique pour un récit cloué dans le passé et finalement très peu impliqué dans l'ambition de modernité dont il se faisait pourtant la promesse. Au lieu de cela, il se contente d'un virage vengeur censé panser les plaies de cet interminable et éreintant jeu de massacre où la seule et maigre consolation aura été la contemplation, fascinée, du visage d'Alicia Vikander et de sa placidité habitée.

Le Jeu de la reine de Karim Aïnouz, avec Alicia Vikander, Jude Law, Eddie Marsan – Au cinéma le 27 mars

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