"Mary à tout prix", la comédie culte et politiquement incorrecte des Farrelly ressort au cinéma

Classé 13e meilleur film pour un premier rencard, 38e meilleur film sur la beauté féminine sur Senscritique ; annoncé comme le film "le plus politiquement incorrect jamais fait" par la rumeur puritaine américaine au moment de sa sortie ; décrit à l'époque par Jean-Daniel Beauvallet comme un cinéma où "on n'a jamais entendu parler de Rohmer, mais on sait rire", d'un humour fondé à partir de "nuages noirs, remontés en tornade des profondeurs de l'âme"Mary à tout prix a beau être précédé d'une certaine réputation, il semble difficilement imaginable pour un·e spectateur·ice qui découvrirait le film grâce à cette ressortie, de comprendre comment tous ces qualificatifs peuvent tenir ensemble, et surtout, résister au temps.

Fruit étincelant d'une époque (la fin des années 1990) déjà vieille de 25 ans, le film est un sacré concours de circonstances qui révèle au moins trois acteurs aux yeux du grand public mondial. Il est même l'objet matriciel de certaines des mimiques du casting : la folie radicale et insoupçonnée des personnages de Cameron Diaz (qui ressurgit spontanément dans une scène de sexe avec une voiture dans Cartel de Ridley Scott par exemple), le visage terrifiant aux allures de tueur en série de Matt Dillon (et si The House That Jack Built était une suite cachée ?), mais surtout, la plasticité du jeu de Ben Stiller, qui en fait un acteur aussi drôle qu'émouvant, et souvent, les deux en même temps.

Une comédie romantique ?

Mais si le casting paraît démentiel aujourd'hui, à l'époque, c'est bien la teneur des blagues qui donne cette impression. Un pénis coincé dans une braguette, du comique de geste avec un personnage handicapé, du sperme pris pour du gel et qui se retrouve dans les cheveux de Mary… ce sont deux heures de comédie américaine rythmées par des blagues douteuses, mises au service d'un scénario qui prône en effet le stalking et le harcèlement.

Aujourd'hui, cette comédie n'a presque plus rien de romantique, mais son intérêt a muté : elle continue de dialoguer avec l'époque d'où elle vient tout autant que la nôtre, s'évertuant à montrer qu'à peu près toutes les blagues sont autorisées, à la condition de servir des personnages sincères, eux-mêmes gênés des situations. Car s'il est bien une constante indéboulonnable dans Mary à tout prix, c'est assurément la part de vécu et d'autobiographie projetée dans cette galerie de personnages masculins gravitant autour de Mary.

En utilisant pleinement les potentiels qu'offrent les outils de la mise en scène pour créer le rire (les gags sont visuels, sonores, cachés dans un raccord ou le hors-champ…), en s'écartant ainsi du réel, les personnages accèdent à une légère conscience du concept ou du cliché qu'ils jouent, qu'ils représentent au sein d'un film de cinéma. Sans prétendre que les cinéastes avaient prévu de documenter la toxicité rattachée à quelques-uns de leurs affects, la part de politiquement incorrect dans Mary à tout prix est restée intact, et continue de nous questionner sur ce qui devrait ou pas nous faire rire dans le film. Et si les réponses ne sont plus les mêmes qu'à l'époque, ce sont autant la société que le film qui ont changé de paradigme.

Mary à tout prix de Peter et Bobby Farrelly. De nouveau en salles depuis le 27 décembre 2023.

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