L'humoriste Bun Hay Mean, connu pour son humour corrosif et sa verve inimitable, est décédé à l'âge de 43 ans, rapporte Le Parisien . Il a été retrouvé sans vie ce jeudi 10 juillet matin, au pied d'un immeuble du XVIIe arrondissement de Paris, après une chute de huit étages. Les circonstances du drame restent floues et une enquête pour recherche des causes de la mort a été ouverte par le parquet de Paris. La Brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les forces de l'ordre se sont rapidement rendues sur place. Devant l'entrée de l'immeuble, protégée par un paravent, quelques passants se sont arrêtés, interpellés par l'agitation inhabituelle.
Bun Hay Mean "en souffrance"
Bun Hay Mean s'était fait remarquer au milieu des années 2010 sous le pseudonyme de "Chinois marrant" , un surnom qu'il avait retourné avec autodérision pour mieux dynamiter les clichés. Repéré par Alais Degois, dit Papy, metteur en scène historique de Jamel Debbouze, il s'était rapidement imposé sur scène grâce à un humour grinçant, un débit effréné et une capacité rare à improviser. Derrière la lumière des projecteurs, le comédien portait un parcours chaotique, marqué par les difficultés et les sacrifices… Diplômé en informatique, il avait tout quitté pour monter à Paris et tenter sa chance sur scène. "
Je faisais marrer 2000 ou 3000 personnes et une heure plus tard, j'étais à l'arrêt du tram à dormir seul. Un ascenseur émotionnel", avait-il confié au Parisien en 2017. Plus récemment, l'humoriste traversait une période trouble. Le lancement de son troisième spectacle, "Kill Bun" , s'était déroulé dans des conditions instables. Selon Le Parisien , il avait été hospitalisé à La Réunion, en marge d'une date de sa tournée. Il confiait alors être "en souffrance" .
L'humoriste transparent sur sa santé mentale fragile
Et de cette souffrance, il en a longuement parlé à nos confrères de Konbini l'année dernière en faisant des confidences déchirantes… Il laisse le témoignage cru, souvent bouleversant, d'un homme qui n'a jamais caché ses failles… "Il y a dix ans, ça n'allait pas bien du tout. J'étais à la rue, j'étais seul. Je ne voulais pas dire à mes parents que j'étais en détresse. Et je devais garder la face pour le spectacle" , confiait-il dans une interview datant du 6 novembre 2024. Pour lui, cette précarité n'était pas seulement personnelle, elle était aussi structurelle : "Le contexte, c'est qu'on vit dans un monde où les possédants demandent des garants, où nos parents n'ont pas ces garanties. (...) C'est cette discrimination des gens qui possèdent et des gens qui ne possèdent pas encore. C'est un grand écart" .
Derrière le rire, c'est l'ombre d'un mal-être profond qui se ressentait… Il parlait de cette "énorme schizophrénie" entre l'image publique et la solitude vécue en coulisses. "Une femme qui est battue chez elle. Elle ne va pas le montrer au travail. (...) C'est exactement le même costume que je porte pendant une heure. Pendant une heure, je suis visible, aimé. Et pendant 23 heures, je suis ghosté. Je reste en vue. Tu passes du mépris à l'amour, de l'amour au mépris", avait-il regretté. Cette instabilité émotionnelle, Bun Hay Mean en portait les traces sur sa peau : "J'ai vécu pendant quasiment 10 ans avec du psoriasis. (...) En sortant de scène, en me déshabillant, en enlevant mon costume, des lambeaux de peau se détachent de mes vêtements. (...) Il y a la peur de l'abandon de ma mère. Il y a la peur de mourir avant mes parents. Il y a la peur de repartir à la rue. La peur de ne plus être aimé" .
La scène comme un exutoire
Mais, ajoutait-il, avec une lucidité désarmante, "Que tu sois vu ou pas vu, tu continues d'exister" . Malgré tout, la scène était restée pour lui un espace de respiration, d'expression vitale : "Pour moi, la scène, c'est encore le seul endroit de liberté d'expression. Pour moi, la scène, c'est un temple, c'est sacré. (…) C'est le besoin vital d'être un peu compris" . Et face à ceux qui saluaient son courage d'y monter, il répondait : "Le courage, c'est nos parents. C'est les gens qui traversent la mer à la nage. (...) Ça, c'est du courage" .
À la fin de son parcours, Bun Hay Mean semblait vouloir aller vers une version plus apaisée de lui-même : "Je veux dire par là que pendant 40 piges, j'ai énormément manqué de discipline. Et je sais que c'est grâce à la discipline et au travail et à la rigueur (...) que je pourrais devenir une meilleure version de moi-même" . Et sa force, il la puisait dans sa capacité à rire malgré la douleur du monde : "L'humour, c'est la poésie du désespoir. C'est réussir à rendre acceptable ce qui ne l'est pas. (...) À partir du moment où tu respires, (…) il y a un compte à rebours. Tu ne le sais pas encore, mais tu es déjà mort. Donc, profitez les gars. Profitez de chaque respiration, même si c'est douloureux" . C'est promis.