En 2001, Baz Luhrmann s'attelle à secouer la comédie musicale en puisant pêle-mêle dans l'opéra, le mythe d'Orphée, le cabaret, le vaudeville, Bollywood et même l'esthétique des clips MTV. Une sorte d'aboutissement pour le réalisateur australien, qui clôt ici sa « Trilogie du rideau rouge », également composée de Ballroom Dancing (1992) et Roméo+Juliette (1996). Trois films moins reliés par leurs thématiques que par l'envie d'explorer le motif théâtral sous toutes ses formes (la danse pour le premier, la poésie pour le suivant et la chanson pour le troisième). L'idée de Moulin Rouge , née lors d'un voyage en Inde, tient presque de la révélation mystique : « On est allé voir un film en hindi dans une salle pleine à craquer. Ça commençait comme une comédie nulle, puis c'est devenu un drame incroyable… et les acteurs se sont mis à chanter. On n'en revenait pas. Le public était à fond et on a presque cru avoir appris l'hindi, car on comprenait tout ce qui se passait ! » , se souvient le cinéaste. L'exubérance de ce cinéma populaire lui inspire un formats occidentaux, et il s'autorise à faire battre le coeur du Paris de 1900 au rythme des tubes réarrangés de Queen, Bowie, Nirvana et Madonna.
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MUSICAL POP ET BAROQUE
La toile de fond est un Montmartre de carte postale, entièrement recréé en studio, à Sydney, où Christian, poète rêveur interprété par Ewan McGregor, tombe éperdument amoureux de Satine ( Nicole Kidman ), courtisane fatale et fragile, étoile du cabaret le plus célèbre de la capitale. Autour de leur romance tragique, Luhrmann construit un kaléidoscope musical pop et baroque, où « certains dialogues paraissent d'une simplicité absolue. Mais en les chantant, on touche au sublime », analyse Ewan McGregor. En répétition, les comédiens interprètent eux-mêmes tous les morceaux et leurs voix sont enregistrées. Sur le plateau, le réalisateur leur laisse le choix : playback ou direct, selon l'énergie du moment. Cette quête de spontanéité irrigue tout le projet, jusque dans sa direction artistique. Catherine Martin , cheffe décoratrice et compagne du cinéaste, n'avait qu'une consigne : « Inventer une artificialité réaliste. Un Paris où l'on accepterait volontiers que des personnages se mettent soudain à chanter. »
KIDMAN TROP CORSETÉE
Dans ce tourbillon créatif, le corps de Nicole Kidman s'épuise. Corsetée à l'extrême (elle se brisera des côtes lors d'une chute), elle avoue avoir frôlé la rupture : « Je ne souhaitais pas refaire de cinéma après. J'étais comblée, mais vidée. » Or, le premier jour de tournage coïncide avec la mort du père du cinéaste, et le long métrage semble porter cette tristesse sous ses airs rieurs (on a tendance à l'oublier, ce musical est aussi très drôle). Récompensé par deux Oscars (décors et costumes), Moulin Rouge trouve une seconde vie à Broadway, en 2019, avec son adaptation. Si des chansons disparaissent, d'autres s'invitent naturellement : Tainted Love, Seven Nation Army … Un nouveau medley pour un spectacle qui, comme son modèle, refuse l'immobilisme.
Moulin rouge, dimanche 13 juillet à 21h00 sur Arte